Europe : Invisible prostitution de mineurs

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Il est toujours aussi difficile de faire un état des lieux précis de la prostitution, de la pornographie et de la traite des enfants qui lui sont liées en Europe. Quels constats peut-on tirer du 3ème congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants et des adolescents quand il englobe dans une seule & vaste région l’Europe et l’Asie centrale? Douze ans après le 1er congrès mondial de Stockholm, les sources d’information nationales et régionales n’en permettent toujours pas une évaluation fine, voire fiable.

Les différentes formes d’exploitation sexuelle sont très souvent interreliées, ce qui les rend depuis toujours difficiles d’étude. Mais c’est curieusement la prostitution des mineurs qui reste le parent pauvre de l’information alors que les trafics et l’exploitation sexuelle liée au tourisme, y compris pour la production de pédopornographie, seraient fréquemment observés!

Prostitution: le mot qui fâche

Pour rajouter à la confusion, le congrès a supprimé le terme « commercial » pour qualifier certaines formes d’exploitation sexuelle des enfants. La prostitution des enfants sera sans doute à l’avenir encore plus invisible qu’elle ne l’est déjà, noyée dans le grand ensemble des agressions sexuelles intra et extra familiales.

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C’est d’ailleurs déjà le cas dans les intitulés des derniers textes de l’Union européenne pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle. Cela n’aidera sans doute pas à résoudre le problème des différences marquées qui existent au plan européen dans la criminalisation des différentes formes d’exploitation sexuelle.

En conséquence, les lois sont globalement très peu appliquées et ne reflètent pas la gravité des faits, y compris les lois extraterritoriales qui permettent de condamner les agresseurs agissant en dehors de leur pays. L’impact de la loi sur leur sentiment d’impunité est donc très limité.

Enfants, adolescents : la fin de la confusion?

Le terme adolescents apparaît pour la première fois en 2008 dans le titre du congrès mondial. Volonté de clarification de la part des organisateurs? Progrès? Pas sùr.

Auparavant, on ne les distinguait pas puisque la Convention internationale des droits de l’enfant inclut toute personne jusqu’à 18 ans.

Une prévention qui peine à atteindre sa cible

Les jeunes les plus vulnérables restent les moins touchés par les programmes de prévention. Qui sont-ils? Les plus exclus. Celles et ceux qui vivent dans les rues, qui sont toxicomanes, issus des minorités ethniques, en particulier les Roms en Europe centrale et de l’Est, les mineurs isolés étrangers en Europe de l’Ouest, celles et ceux qui sont placés en institution. Souvent des adolescent-[ej-s.

Les enjeux pour les années à venir

Alors que l’on n’a toujours pas réellement trouvé les moyens d’agir pour les groupes les plus vulnérables, quelques points précis mériteront sans doute dorénavant une attention accrue :

– l’implication d’agresseurs de plus en plus jeunes ;

– le rôle des médias et de la société de consommation dans la sexualisation précoce des enfants et son implication dans ce qui semble être le développement de pratiques pré-prostitutionnelles mal cachées sous le terme japonisant d’enjokosai (échanges, le plus souvent occasionnels, de biens de consommation ou « d’argent de poche » contre des rapports sexuels avec des adultes ou d’autres adolescents ;

– le nombre croissant de garçons en situation de prostitution (d’après une étude ils seraient plus nombreux que les filles en Norvège, en Suède, en Lituanie et en Pologne dans la tranche d’âge 15 – 18 ans) et l’absence de programmes ou de services spécialisés ;

– les agressions par le biais d’Internet ou des téléphones mobiles, alors que leur utilisation pour piéger les enfants & les adolescents est dite en augmentation ;

– la participation – en connaissance de cause pour l’enfant – à la production et la diffusion de supports (photos, vidéos, etc.) qui mettent en scène des situations d’agressions sexuelles.

Ce dernier point annoncerait-il l’irruption de la question du choix & du consentement s’agissant de l’exploitation sexuelle des mineurs ?

Une absence remarquée

La France qui prétendait en 2004 devenir le moteur d’une politique européenne en la matière n’était pas représentée à l’occasion de ce troisième rendez-vous mondial.