Les machos à Prague

2992

Quand les médias font la promo du tourisme sexuel … Bière et femmes à volonté. Le « sexotourisme » est à nos portes, en Europe. Certaines compagnies aériennes ont flairé la bonne affaire, relayées par les publicitaires et les marchands …

Pour vendre un fromage, un karcher, une savonnette, un vélo, une serpillière, rien ne vaut un morceau de femme, l’affaire est entendue, et jusqu’à saturation. Mais les publicitaires ne s’en tiennent pas là. Proposer à la vente la femme elle-même, plutôt blonde et en petite tenue, fait aussi exploser les bénéfices. Dernier exemple en date, l’annonce « raffinée » de la compagnie Sky Europe et de la marque de sous-vêtements féminins Triumph, subitement alliés pour la meilleure des causes.

À partir de 19 €, dit le message — paru dans la presse française — et bien plus explicite sur Internet. Franchement, c’est pour rien! Messieurs, Prague et Bratislava vous attendent. Les femmes y sont à disposition …

Recevez nos derniers articles par e-mail !
Lettres d'information
Recevez nos derniers articles par e-mail !
S'abonner

Ainsi, une marque de sous-vêtements féminins, pourtant soucieuse de son image haut de gamme, n’hésite pas à s’acoquiner avec une compagnie de charters qui fait ses choux gras de la situation difficile des femmes d’Europe centrale et d’Europe de l’Est. La prostitution est décidément un argument majeur pour tout le monde, compagnies aériennes comme marchands de fringues.

Actuellement, des compagnies lowcost desservent la capitale slovaque, Bratislava, pour moins de 100 €. Elles comptent largement sur les virées entre hommes, venus d’Europe de l’Ouest, dans les bars et les bordels locaux. D’une pierre deux coups pour ces nantis tout de même près de leurs sous: la bière est bon marché et les femmes offertes pour une bouchée de pain.

Un excellent article du Nouvel Observateur, Sexe, bière, à prix cassés: nouba à Bratislava, décrivait ainsi dans son édition du 13 juin
2007 la délocalisation des beaufs. Des « stag operators », agences de voyage new look, vendent des séjours tout compris promettant de prendre en charge tous vos désirs pour 200 € par personne. L’article décrivait par exemple la formule « Guns and Girls » (des fusils et des filles) proposant séances de tir avec de vrais flingues et tournée des boîtes de strip-tease.

Si les Anglais s’illustrent particulièrement dans ce « tourisme » de beuverie et d’exploitation sexuelle, ils ne devraient pas rester seuls bien longtemps. La presse française, y compris les plus grands médias fait de son mieux pour faire connaître la bonne affaire. Compagnies aériennes, médias, tous unis quand il s’agit de promouvoir cette bonne vieille institution qu’est la prostitution! Il y a peu, les trains Thalys desservant Amsterdam trouvaient malin de nous présenter un Père Noël s’engouffrant dans une vitrine hollandaise du Quartier rouge. Nous avons également eu droit à une compagnie de voyagistes montrant un adipeux personnage s’exhibant au bras de deux demoiselles peu vêtues. Pour le prix de deux, je n’en paie qu’une, disait à peu près le bonhomme, parfaitement content de lui.

La prostitution est une affaire qui marche. Et elle a pour première alliée la machine médiatique. Peut-on rêver, ou est-ce inatteignable, d’une presse qui refuserait ce type d’annonce, pure invitation à l’exploitation sexuelle des plus démunies, d’une société qui cesserait de « servir la soupe », si l’on nous pardonne l’expression, aux annonceurs les plus cyniques et les plus prédateurs ?

Article précédentNuméro 155 / octobre – décembre 2006
Article suivantAllez Yallah!
Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.