La demande des « clients » en question à l’ONU

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Le recours aux personnes prostituées n’est pas un droit fondamental des hommes. En février 2006, Sigma Huda, rapporteuse spéciale sur les droits fondamentaux des victimes de la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, a publié son premier rapport[[Intégration des droits fondamentaux des femmes et de l’approche sexospécifique, Sigma Huda / Conseil économique et social des Nations Unies, février 2006. À télécharger sur cette page.]] dans le cadre de la Commission des droits de l’homme de l’ONU. Ce rapport, qui a le mérite d’interroger pour la première fois la demande des « clients » marque heureusement une rupture avec la position défendue par la précédente rapporteuse, Radhika Coomaraswami. Il nous a semblé important d’en citer les points essentiels.

La précédente rapporteuse de l’ONU sur les violences contre les femmes, Radhika Coomaraswami, affichait clairement ses options en faveur d’une libéralisation de la prostitution. Son « Rapport sur la traite et la prostitution forcée des femmes », par exemple, présenté devant la Commission des droits de l’homme en 1997, avait fait l’objet dans nos pages d’une analyse de la chercheuse Marie-Victoire Louis (CNRS). Elle y montrait une analyse économique de la prostitution, considérée comme une activité « lucrative ». Le vocabulaire employé signait une adhésion totale au parti de ceux qui sont favorables à la légalisation du commerce des corps : professionnelles de la sexualité, travail, choix rationnel, etc. Le concept de « prostitution forcée » s’y trouvait entériné, légitimant clairement une prostitution « libre » à intégrer au marché libéral.

La prostitution, une affaire de non-choix

La surprise est d’autant plus forte aujourd’hui de lire le premier rapport fourni par Sigma Huda, la nouvelle rapporteuse. Celle-ci revient tout d’abord sur la définition de la traite donnée par le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (dit Protocole de Palerme, 2000). Cette définition, qui englobe
le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes par (…) le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité (…)
précise que le consentement de la victime à l’exploitation est indifférent dans tous les cas de traite. A l’heure où tant d’instances internationales s’acharnent, dans le but de légitimer le marché de la prostitution, à séparer traite et prostitution et à promouvoir le « choix » de prostitution, la rapporteuse ne craint pas d’affirmer une position qui tranche : Dans la plupart des cas, la prostitution telle qu’elle est actuellement pratiquée dans le monde répond aux critères constitutifs de la traite. Il est rare de trouver un cas où le chemin vers la prostitution et/ou l’expérience d’une personne dans la prostitution sont exempts de tout abus d’autorité ou situation de vulnérabilité (…) L’autorité et la vulnérabilité dans ce contexte doivent être compris comme incluant les inégalités de pouvoir fondées sur le sexe, la race, l’origine ethnique et la pauvreté. En d’autres termes, le chemin qui mène à la prostitution et à la vie sur « le trottoir » est rarement caractérisé par l’autonomie ou des possibilités de choix appropriées. La rapporteuse rappelle qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait franchissement de frontière pour qu’il y ait traite. La traite est tout aussi réelle quand elle a lieu dans le village, la localité ou la ville où vit la victime.

La demande favorise la poursuite de la traite

La rapporteuse s’appuie sur les termes énoncés dans le Protocole et déclare rejeter les mots « travailleur du sexe », « travail sexuel » et « clients ». Elle emploie donc les termes prostitution et consommateur de services sexuels. Selon elle, ces termes
portent indùment à croire que la prostitution telle qu’elle est actuellement pratiquée ne relève pas systématiquement de la traite -->
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