Présidentielles 2012. Prostitution, les propositions des candidatEs

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A quelques jours du premier tour des élections présidentielles, voici un rapide éclairage sur les programmes des principaux candidat-e-s en matière de prostitution.

Nicolas Sarkozy, UMP

Il s’est prononcé pour le maintien de la la LSI (Loi sur la sécurité intérieure) dont un volet pénalise les personnes prostituées pour racolage passif (2003).

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Malgré l’opposition quasi unanime des associations spécialisées, l’UMP défend cette loi présentée comme un moyen de lutter contre les réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains en plaçant en garde à vue les prostituées, ce qui permettrait de les extraire de l’emprise des réseaux.

Dans les faits, la LSI semble surtout avoir été une arme de lutte contre l’immigration clandestine en permettant l’expulsion des prostituées sans papiers. La protection promise aux victimes, en échange d’une dénonciation des réseaux, n’a guère été concluante, la peur restant pour les jeunes femmes une entrave à la parole. Enfin, cette loi a repoussé la prostitution dans les quartiers éloignés, accentuant sa dangerosité.

François Hollande, PS

Les « 40 Engagements pour l’égalité fémmes-hommes » ne contiennent pas le mot prostitution. Ils affirment une volonté de lutter contre « les violences sexistes », préconisent une prise en charge de toutes les femmes victimes de « viols, mariage forcé, excision, harcèlement, violences psychologiques, sexuelles, physiques », des campagnes d’information et de prévention.

Il est prévu un Ministère des droits des femmes et de l’égalité.

François Hollande a toutefois eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet, en demandant l’abrogation du délit de racolage et en exprimant l’intention d’ « engager une réflexion sur la pénalisation des clients de la prostitution »
« Je considère qu’un individu n’a pas le droit de disposer librement du coprs d’une autre personne parce qu’il a payé : il s’agirait sinon du libéralisme poussé à son extrême », écrivait-il à la Commission Nationale Droits des Femmes le 3 octobre 2011. « Celles et ceux qui placent le débat de la prostitution sur le terrain de la morale ou de la liberté sexuelle me semblent donc faire fausse route. Il s’agit en réalité d’une question de droits humains, et d’une triple exploitation que j’entends combattre : exploitation sexuelle des femmes par les hommes, exploitation sexuelle des femmes des pays du Sud et de l’Est par les hommes des pays du Nord, et exploitation sexuelle des femmes en situation de précarité. Je n’oublie pas non plus que les personnes prostituées peuvent parfois être des hommes, des transsexuels et des transgenres.
La France doit aujourd’hui renouer avec une tradition orientée vers les droits humains et la dignité humaine. Cette conception qui est la mienne me conduit à m’engager, si je suis élu, à supprimer le délit de racolage passif instauré par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’intérieur en 2003 et à favoriser, au contraire, les actions de réinsertion sociale et professionnelle des personnes prostituées.
Une réflexion sur la pénalisation des clients de la prostitution, sur un modèle similaire à celui de la Suède, doit être engagée, ainsi que le préconise le Parti socialiste depuis de nombreuses années.
Enfin, je donnerai à l’Etat les moyens de mener une politique cohérente en matière de prévention et de réduction de la prostitution en France. Je nommerai notamment un Ambassadeur chargé de la prévention et la réduction de la prostitution et de la lutte contre la traite des êtres humains, comme l’ont fait la Suède ou les Etats-Unis avant nous. Cette nomination permettra à la France d’être plus présente qu’elle ne l’est aujourd’hui dans les instances européennes et internationales luttant contre la traite des êtres humains. 
»

Notons que la Convention « Egalité réelle » du PS, texte adopté en Convention Nationale le 11 décembre 2010, demandait expressément « la pénalisation du client prostitueur ».

Jean-Luc Mélenchon, Front de Gauche

Le Front de gauche est le seul parti à proposer une politique pleinement abolitionniste. Les « Propositions du Front de Gauche pour l’égalité femmes-hommes » accordent une place majeure à la prostitution, se prononçant clairement pour son abolition.

Voici les principales mesures avancées :
– supprimer le délit de racolage passif
– réprimer plus clairement et fortement le proxénétisme
– revoir les modes d’imposition de la prostitution qui, à l’heure actuelle, constituent une entrave à la sortie.
– mettre en place une véritable politique d’alternatives à la prostitution et un fonds spécifique de soutien
– créer une allocation d’autonomie pour les jeunes de moins de 25 ans (mesure de prévention)
– protéger les personnes étrangères victimes de la traite
– interdire l’achat de tout acte sexuel en pénalisant les « clients » après une campagne nationale d’information d’au moins un an.
– développer une politique d’éducation à la sexualité età l’égalité.
– promouvoir l’abolitionnisme dans les instances internationales et lutter contre le blanchiment de l’argent de la prostitution et de la traite.

Il est prévu un ministère des droits des femmes et de l’égalité.

Jean-Luc Mélenchon lui-même déclarait au Parisien, le 10 décembre 2011 : « Je suis abolitionniste. Et partisan de la pénalisation des clients. A ceux qui ont une autre idée sur la question, ceux qui parlent de « travailleurs du sexe », je dis : soyez cohérent, proposeriez-vous ce métier à votre mère, à votre fille ou à votre fils ? Non bien sùr ! Donc pourquoi ce qui n’est pas bon pour vous le serait pour les autres ? La prostitution n’est rien d’autre qu’un trafic des êtres humains et donc il doit être réprimé radicalement pour être éradiqué. »

François Bayrou, Modem

Le Modem n’aborde pas la question. Ni le mot « femmes » ni le mot « violences » ne figurent dans la liste des propositions.

A titre personnel, il semble que François Bayrou veule cibler les trafiquants et proxénètes. En 2011, dans une interview à l’Express, il s’est déclaré hostile à la pénalisation des clients, déplorant que l’on cloue au pilori , pêle-mêle, « les femmes et les pauvres gens qui font l’essentiel des clients ». Il s’est prononcé pour une amélioration des conditions dans lesquelles s’exerce la prostitution. Une position confuse qui révèle un désintérêt profond pour le sujet.

www.lexpress.fr/actualite/societe/bayrou-la-prostitution-ne-sera-pas-regulee-par-la-penalisation_983026.html

Marine Le Pen, Front National

Ni le mot « femmes » ni le mot « violences » ne figurent dans le programme. La famille est en revanche mise en avant, avec une « politique familiale volontariste, nataliste et ambitieuse »

Eva Joly, EELV

« L’égalité femmes-hommes en marche » constitue un chapitre important du programme, assez ambitieux en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.

Il est prévu un ministère de l’égalité entre les femmes et les hommes.

La candidate s’est prononcée personnellement pour une « sensibilisation » des clients et non pour leur pénalisation, lors de la Réunion des Féministes en Mouvement à La Cigale, à Paris, le 7 mars 2012.

Les Verts ne parviennent toujours pas à adopter une position claire, empêtrés dans un débat sans fin qui empoisonne le parti depuis plus de deux décennies.

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.