Serge Rohlfshagen, militant de Ni Putes Ni Soumises

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La prostitution! c’est les autres.

L’association, fondée en 2003 par réaction à la dégradation des conditions de vie des filles dans les quartiers, est attachée à défendre la laïcité, la mixité et l’égalité. Elle ne s’est jamais prononcée sur la prostitution.

Serge Rohlfshagen fait partie des 10 à 15 % d’hommes qui forment les rangs de Ni Putes ni soumises et défendent sa volonté de mixité. Président depuis trois ans du comité de Haguenau (le seul en Alsace Lorraine), il affirme, hors de toute déclaration officielle de l’association, une position abolitionniste en matière de prostitution.

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Votre comité NPNS a signé le Plaidoyer pour une Europe sans prostitution. Pourtant, au plan national, NPNS n’a pas pris position, semble-t-il, sur la question de la prostitution ?

Officiellement, je ne connais pas la position du Comité sur la prostitution. Ce n’est pas un sujet dont on a débattu lors des réunions annuelles. Mais les comités NPNS sont assez autonomes dans leur gestion (ils n’ont d’ailleurs aucun soutien financier) et sont donc plutôt libres dans leurs options et projets, dans la mesure où ils respectent la charte.

Notre comité de Haguenau a donc pu signer le Plaidoyer pour une Europe sans prostitution du Mouvement du Nid. Nous avons des contacts avec le Mouvement et pour nous, c’est clair, la prostitution est une violence. Les autres comités de NPNS n’ont sans doute pas eu la chance d’avoir comme nous des rencontres, des discussions sur ce sujet.

Pourquoi ce silence sur la question de la prostitution ?

Dans les actions que nous menons, par exemple autour du 8 mars, dans nos interventions, nous entendons toujours le même type de discours : les prostituées, ce sont… les autres ; jamais nos filles. Nos filles sont vierges jusqu’au mariage et respectent les traditions.

Les communautés que nous rencontrons n’ont pas forcément envie d’ouvrir les yeux sur ces sujets. Même le mot « Pute » dans « Ni putes ni soumises » gêne beaucoup de gens. C’est difficile à aborder. Je me souviens que, pour le sida, j’avais discuté avec des jeunes d’origine maghrébine qui m’avaient dit que c’était une maladie des homosexuels qui n’existait que dans les pays européens. La prostitution, c’est le même tabou. En plus, il y a des sujets sur lesquels il est difficile d’arriver à un consensus. Face à la Gay Pride, par exemple, certain-e-s membres de NPNS voudraient y participer au nom de la lutte contre la discrimination, d’autres y sont farouchement hostiles, l’homosexualité étant parfois encore considérée par certains comme un crime.

Abordez-vous vous-même la question de la prostitution lors de vos actions ?

L’exposition que nous allons présenter au Centre Européen de la Jeunesse le 25 novembre, sous le parrainage du Conseil de l’Europe, va comporter un panneau sur la prostitution en tant que violence faite aux femmes. Je ne suis pas sùr que d’autres comités NPNS seraient prêts, pour le moment, à en faire autant. Et nous participons à des rencontres, des manifestations, aux côtés du Mouvement du Nid.

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.