Pour en finir avec les mafias

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Libéraliser les marchés de la drogue ou du sexe pour éliminer le crime organisé : l’idée n’est pas neuve. L’auteure reconnaît qu’on ne peut pas légaliser n’importe quoi sous prétexte qu’il y a une demande (images pédophiles par exemple) mais selon elle, la prostitution, « quand elle n’est pas forcée », n’implique pas a priori de violence ni de crime. Le « marché du sexe » reste toutefois « incontestablement un des piliers de l’activité du crime organisé ».

Légaliser purement et simplement est exclu. La demande étant légitimée, elle augmente, d’où un « effet d’expansion » et une inflation du nombre de prostituées. Quant à  « l’effet de substitution » (remplacer le marché illégal par un marché légal), il ne fonctionne pas. L’économiste avance une étude de l’Organisation Internationale du Travail concluant au fait qu’en 2004 en Allemagne, où la prostitution était légale, on comptait 62 fois plus de victimes d’exploitation sexuelle commerciale qu’en Suède où l’achat d’acte sexuel était interdit.

On pourrait croire qu’elle porte donc son choix sur le modèle suédois dont elle vante la réussite. Mais non. Son penchant va à  un statut pour les prostituées « libres », avec carte professionnelle et conseil de l’ordre, et répression du client de clandestines. Mieux, le statut serait assorti de formations à  même de « mieux cerner les attentes des clients », par exemple leurs « besoins de dialogue ». A entendre les personnes prostituées, il semble que ces « attentes » soient autrement plus crues!

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Une nouvelle fois, nous est donc resservi l’éternel serpent de mer de la profession libérale reconnue, comme les « médecins, les infirmières et les avocats ». Un espace « clean » de prostitution garantirait consentement, éthique, sécurité et tarif minimum. Bref tout ce qui s’est toujours révélé impossible à  mettre en place, ne serait-ce que parce que le nombre de prostituées « libres » (dont on se demande quel appareil va mesurer le niveau de liberté) est notoirement insuffisant et que, sans proxénètes ni trafiquants, « l’offre » serait quasi inexistante. C’est ainsi que la Tippelzone d’Amsterdam, zone légale de prostitution censée devenir un modèle de sécurité pour les personnes prostituées, a été fermée en 2003 parce qu’elle était devenue un ramassis de trafiquants.

On ne sort pas de cette lecture très avancé. Tout y est dit, et le contraire de tout. Il nous reste à  nous féliciter que la France ait voté une loi qui pourrait lui valoir les bons résultats de la Suède ; aux antipodes de toute légalisation du proxénétisme et heureusement de toute « formation » destinée à  répondre aux « attentes des clients »!

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.