Le sceau de son destin

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La prostitution constitue et a toujours constitué un thème privilégié de la littérature.
Aussi, nous a-t-il paru important de mettre en lumière la façon dont elle est dépeinte par les romanciers.
Dans cette rubrique, les citations littéraires sont mises en parallèle avec les témoignages actuels des personnes prostituées, comme des « clients ».

Une mise en perspective riche d’enseignements !

« La fatalité intérieure, vrai sceau de son destin, devait s’accomplir. »

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« Ce fut alors que se produisit chez Séverine le phénomène auquel échappent rarement ceux que gouverne un trop décisif instinct. Comme le joueur accablé quelque temps par une perte dangereuse se met, la première meurtrissure passée, à  rêver de la table verte, des visages, des cartes, des paroles rituelles d’une partie, comme l’aventurier, un instant fatigué de l’aventure, se sent rongé soudain par les images de la solitude, du combat et de l’espace, comme l’opiomane, en apparence désintoxiqué croit sentir autour de lui avec une douce terreur la fumée de la drogue, ainsi Séverine fut insensiblement cernée par ses souvenirs de la rue Virène. Pareille à  tous ses frères, à  toutes ses sœurs en désirs interdits, ce ne fut point la satisfaction de ce désir qui la tenta, mais les prémices dont cette satisfaction s’entoure! mais la fatalité intérieure inscrite en Séverine, vrai sceau de son destin, devait s’accomplir. »

Belle de jour, Joseph Kessel, p.17, Folio, 1972.

Dans ce récit, Séverine, une femme bourgeoise, fait des passes l’après-midi dans un bordel « de luxe », à  l’insu de son mari. Progressivement, elle ne peut se détacher de ce milieu.

« Pour moi, la prostitution, c’est une dépendance, comme la drogue. »
Témoignage de Leïla,Prostitution et Société n°105.

« Ce n’est pas vrai que c’est un métier comme un autre. Je ne sais pas si c’est le plus vieux mais c’est le plus douloureux, surtout intérieurement. Les agressions physiques, ce n’est rien à  côté de la douleur intérieure ; celle qui vous détruit, qui vous empêche de respirer. Pour moi, la prostitution, c’est une dépendance, comme la drogue ; une maladie du comportement. Je suis arrivée à  Narcotiques anonymes avec une double dépendance : la came et les schémas de la prostitution. »

« J’étais dans une dépendance absolue. »
Témoignage de Clémentina, Prostitution et société n°183.

« Il me faisait travailler jour et nuit. J’ai réussi à  ne pas tomber dans l’alcool et la cocaïne mais je fumais quatre ou cinq paquets de cigarettes par jour. Il m’achetait mes vêtements. J’étais dans une dépendance absolue. Il ne me laissait jamais un sou, jamais. Alors j’en cachais un peu dans un trou, là  où je travaillais. »

« Il était devenu réellement dépendant de cette femme. »
Témoignage de Clémence, ex-épouse d’un client de la prostitution,Prostitution et société n°190.

« À l’époque, Jean-Paul se comportait comme un drogué. Il était devenu réellement dépendant de cette femme, suspendu toute la journée à  son téléphone portable, à  lui envoyer et à  attendre ses SMS en retour. Il n’avait plus aucune barrière. On aurait confisqué le téléphone de mon fils pour moins que ça. »