Sauve qui peut les clients !

1846

Tout est bon pour avoir la peau de la loi de 2016. Dernière arme en date, un documentaire qui, sans rougir de honte, exploite le seul meurtre de femme prostituée survenu en Suède, (par son ex-conjoint et non dans le cadre de la prostitution) depuis que le pays a initié la pénalisation des clients prostitueurs en 1999(1). On en reste le souffle coupé.

Car le silence est total, en revanche, du côté des adversaires des abolitionnistes, sur les dizaines de meurtres qui composent le bilan des pays comme l’Allemagne (2) ou les Pays-Bas qui ont invité les clients prostitueurs à  faire leur marché en toute liberté.

Le message qu’ils et elles nous servent en boucle, est simple. Depuis que les prostitueurs sont passibles d’amendes, ils seraient subitement devenus dangereux alors qu’ils étaient doux comme des agneaux à  l’époque où tout leur était permis. De leur côté, les femmes prostituées, précédemment pourchassées par la police, seraiet beaucoup plus en danger depuis qu’elles ne le sont plus !!??

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C’est en voulant trouver à  tout prix un moyen de dénigrer la loi de 2016 que ses adversaires se sont brutalement avisés que des clients prostitueurs agressaient des personnes prostituées. L’idée, auparavant, ne leur en était jamais venue. La litanie sans fin des agressions et des meurtres commis par ces hommes au long des décennies, confirmée par les enquêtes (3), et dont on a une idée dans notre rubrique « In Memoriam », qui elle, ne commence pas en 2016, leur avait totalement échappé.

Le Mouvement du Nid, lui, s’épuise à  le répéter depuis 80 ans. Oui, les personnes prostituées sont en danger. Oui, elles sont plus que quiconque agressées, violées et même tuées ; le plus souvent par des clients et quel que soit le lieu où s’exerce leur activité. Car c’est le statut même de prostituée et l’indulgence du paiement qui « autorisent » certains hommes à  se livrer à  des violences. C’est la réduction d’une personne à  l’état d’objet sexuel acheté sur Internet ou dans la rue, loué, échangé, commenté, méprisé, qui permet à  certains de se sentir des droits de propriétaire et donc de franchir les limites

Cet épouvantable état de fait, qui aurait du soulever l’indignation depuis longtemps, ne date pas de 2016. Comme le dit Bridget Perrier, fondatrice de Sextrade101, organisation canadienne de survivantes de la prostitution, « ce ne sont pas les lois qui tuent les femmes, ce ne sont pas les rues. Ce sont des hommes4 ».

Pénaliser les prostitueurs est donc fondamental. Ce choix relève d’un profond changement de société, inséparable du mouvement metoo qui affirme le refus des femmes d’être des objets de défoulement. Mais l’attachement reste fort à  un ordre social qui laisse aux hommes le « droit d’importuner », de harceler et d’exploiter sexuellement autrui contre un billet ; cet autrui étant neuf fois sur dix une femme que la précarité ou la traite ont forcée à  se soumettre au plaisir sexuel masculin.

Cet ordre porte un nom : patriarcat. Le prostitueur en est aujourd’hui un des symboles les plus tenaces, lui qui entretient une institution réactionnaire fondée sur la misogynie, le racisme et l’inégalité. Il est plus que jamais inconcevable, alors que se libère la parole des femmes, qu’il n’ait pas à  en répondre.

(1) »Le pays où les putains n’existent pas », par Ovidie, diffusé le 6 février sur Arte
(2) PS 190 : Ce n’est pas la loi qui tue. C’est la prostitution !
(3) PS 184 : Attention danger de mort