Election britannique : quel effet sur la législation sur la prostitution?

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Avec l’approche d’une élection surprise au Royaume-Uni, où en est-on des lois sur la prostitution ? La Première ministre, Theresa May, a jeté un pavé dans la mare en annonçant la tenue des prochaines élections législatives le 8 juin. Le grand enjeu de ce scrutin est sans doute le Brexit, mais que le peuple britannique opte pour un changement ou préfère conserver le statu quo, quel effet cela aura-t-il sur la législation sur la prostitution? Explications de notre correspondante au Royaume-Uni, Megan Tierney.

La situation actuelle au Royaume-Uni est assez complexe. Chaque région est responsable de l’établissement des lois sur la vente et l’achat d’actes sexuels, ce qui conduit à  beaucoup de disparité.. Pour le moment, seule l’Irlande du Nord a pris une position claire sur le sujet avec l’introduction en 2015 d’une loi instaurant la pénalisation des clients et la non-pénalisation des personnes prostituées.

En Angleterre et au Pays de Galles, la situation pour les personnes prostituées reste très précaire, sans aucune politique claire. Même si les lois sont les mêmes, la réalité pour les personnes concernées peut évoluer d’une municipalité a l’autre. L’achat et la vente d’actes sexuels sont considéré comme légaux alors que la plupart des activités qui y sont liées sont illégales, y compris le racolage. Cela signifie que les personnes prostituées risquent d’être pénalisées. Par exemple, même pour des raisons de sécurité, travailler en équipe de deux équivaut à  travailler dans un bordel, au niveau légal, ce qui pousse donc les personnes concernées à  travailler seules.

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A la veille de l’élection, quelle est la position des principaux partis à  ce sujet ?

Dans une interview, en 2016, le chef du Parti travailliste (« Labour party »), Jeremy Corbyn, a exprimé son soutien pour la dépénalisation de tous les aspects de la vente de sexe, position qui le rapproche de celle d’Amnesty International. Ceci dit, cela ne représente pas la politique officielle du parti. Parmi les députés du Parti travailliste, on peut trouver des avis extrêmement divergents, comme des projets de loi à  la fois abolitionnistes et règlementaristes ces dernières années. Le programme électoral du parti pour 2017 ne contient aucune référence à  ce sujet.
L’incertitude demeure donc, mais la question ne figure pas dans leurs priorités.

Dans le parti de la première ministre Theresa May, le Parti conservateur, rien non plus en ce qui concerne une politique claire sur la prostitution. Pendant cette campagne, la Première ministre s’est davantage exprimée sur la chasse aux renards que sur la situation des personnes prostituées.

La pénalisation de personnes prostituées : une mise en danger des victimes

Une enquête multipartite à  Westminster en 2016 a apporté son soutien à  la dépénalisation totale de la vente d’actes sexuels, et les actes associés, reconnaissant que la pénalisation actuelle de ces actes met en danger des personnes vulnérables. Mais la porte à  la possibilité de mettre en place une loi pénalisant les clients n’a pas été fermée : l’étude dit vouloir d’abord évaluer l’impact de cette approche en Irlande du Nord et en France. Pourtant, pour le moment, le gouvernement n’a toujours pas mis en place les recommandations de l’enquête. Au cœur d’un débat très polarisé, il semble que les partis ne veulent pas prendre le risque de choisir un camp et préfèrent rester flous sur le sujet.

L’Ecosse aux avant-postes ?

En Écosse, il faudra attendre les prochaines élections écossaises pour voir si la prostitution peut prendre place au cœur des discussions. Récemment le parti au pouvoir, le SNP (Scottish National Party), a pris position. En annonçant son soutien au « Nordic Model », le modèle abolitionniste, le parti s’est aligné sur les positions de la Suède, de la France et de l’Irlande du Nord notamment. On peut imaginer que cette décision du premier parti écossais va tendre à  inciter les autres partis à  positionner au moment de la campagne pour les élections parlementaires écossaises en 2021.
Et peut-être cela pourrait-il amorcer un plus grand débat au niveau national.

Mais pour le moment, la question du Brexit prenant toute la place, un bouleversement politique sur le sujet n’est pas pour demain.